Cinépages-dimanche



CINEPAGES - DIMANCHE: saison 4  pour 2019-2020
 2 séances mais quels films !!!
13 octobre 2019 un film adapté du roman de Jane Austen en VO sous titrée
et 19 janvier 2020  ZAZIE DANS LE METRO un film adapté d'un grand auteur  français Raymond QUENEAU 
ZAZIE DANS LE MÉTRO du roman au film 
 (article de Jean-Pierre Pagliano)
Sorti le 28 octobre 1960, le film eut peu de succès, auprès du public comme auprès des
critiques.
Toutefois lors de la première du film quelques artistes comme François Truffaut, Eugène
Ionesco ou Charlie Chaplin ont immédiatement exprimé leur enthousiasme, ainsi que
Queneau lui-même qui déclarera : « En même temps que je reconnais Zazie dans le métro en
tant que livre, je vois dans le film une oeuvre originale dont l’auteur se nomme Louis Malle,
une oeuvre insolite et à la poésie de laquelle je suis moi-même pris ».
Le phénomène Zazie dans le métro est assez connu pour qu'on n'ait pas à y revenir
longuement. Le gros succès de librairie, la contagion linguistique (« contagion mon cul », tu
causes, tu causes... »), les déclinaisons en film (par Louis Malle, octobre 1959), en pièce de
théâtre (par Olivier Hussenot, décembre 1959), plus tard en simili BD (par Jacques Carelman,
Gallimard 1966) :
Il ne sera question ici que de l'adaptation cinématographique, tour de force comparable à la
traduction dans une langue étrangère – l'une et l'autre s'apparentant, dans le cas de Zazie, à
une véritable transposition. Les quelques films ou téléfilms inspirés par les romans de
Queneau ne peuvent que nous conforter dans cette idée : peu d'oeuvres littéraires sont aussi
délicates à porter à l'écran que celles de notre auteur. Si Louis Malle avec Zazie et Jean
Herman (alias Vautrin) avec Le Dimanche de la vie sont pour moi les seuls à s'être
honorablement tirés de cette aventure, on peut toujours rêver à ce qu'aurait fait Resnais de
Pierrot mon ami, projet qu'il caressa un temps. Mais on se console largement avec Le Chant
du styrène, collaboration d'une autre nature suscitée par le cinéaste. Quant à Claude
Chabrol, on sait qu'il imaginait Valentin Bru sous les traits de Belmondo dans une adaptation
du Dimanche de la vie qui ne vit pas le jour et céda la place à celle d'Herman. L'hommage de
Chabrol à Queneau a pris une tournure plus modeste : l'apparition de celui-ci en Clémenceau
dans son film Landru.
Raymond Queneau est admiré par bien des cinéastes français. Un exemple : si vous voulez
faire plaisir à Patrice Leconte, dites-lui que certaines de ses comédies vous ont fait penser à
Queneau (il déplore que jamais la critique n'y ait fait allusion). On aurait sans doute pu faire
le même plaisir, avec le même compliment, au regretté Jacques Demy. Pensez aux
Demoiselles de Rochefort : ruptures de ton, rimes internes, exercices de style (le dîner en
alexandrins), grande fantaisie alliée à une construction rigoureuse... Les films les plus
proches de l'esprit quenien ne sont pas forcément ceux qui s'en réclament.
Les réalisateurs qui l'adaptent n'ont pas tous conscience de la difficulté de se confronter à
l'univers de Queneau. Un univers de mots, où les personnages ne sont pas donnés à voir par
des portraits mais caractérisés par leur langage et par leur comportement – quand celui-ci
n'est pas, comme dans Zazie., simplement évoqué par la mention « (geste) ». L'auteur
compte à tout moment sur la complicité active et imaginative du lecteur. Les chausse-trapes
sophistiquées du romancier (la révélation longtemps différée de la vraie nature des
commensaux de Pierrot dans le chapitre 7), tous les vides à combler, les perches à saisir
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l'éloignent radicalement du pittoresque épais et du naturalisme loufoque dans lesquels
s'enlisent le plus souvent ses adaptateurs. Les personnages de Queneau nous ressemblent
comme des frères, à cette essentielle différence près : ils sont aussi faits d'encre et de
papier. L'aventure d'Icare, l'ultime « héros » du romancier, illustre emblématiquement ce
qui n'est pas une simple lapalissade. Aussi vrai qu'LN est d'origine cruciverbiste, Icare sort
tout droit d'un manuscrit imprudemment exposé aux courants d'air.
Parce que Raymond Queneau (comme Godard dans ses premiers films) nous renvoie sans
cesse à notre position de lecteur (ou de spectateur), son adaptation au cinéma pose d'autres
problèmes que celle, disons, de Balzac ou de Zola. Comment faire du cinéma avec une
littérature qui met tellement en avant sa nature littéraire, sa matière littéraire ? Les
solutions sont peut-être à chercher du côté des meilleures adaptations de Lewis Carroll, qui
combinent les techniques du cinéma d'animation et de la prise de vues directe. Sans aller
jusque-là, le film de Louis Malle s'oriente très nettement vers cette conception d'un réel
mâtiné de cartoon.
Zazie à l'écran ; un défi à relever
Premier succès public de l'auteur, Zazie est aussi le premier roman de Queneau à être porté
à l'écran. Les producteurs ne pouvaient pas être insensibles à cette considération
commerciale, malgré les évidentes difficultés de l'entreprise. Ce succès de librairie se
présentait-il vraiment comme le moins adaptable des romans ? On peut tout aussi bien
affirmer le contraire. L'impossibilité apparente est si criante qu'elle annule les tentations
habituelles d'illustration cinématographique du texte et force à l'invention. Son extrême
fantaisie, un comique langagier fondé notamment sur l'orthographe, les métamorphoses et
les mystères des personnages (multiples avatars de Trouscaillon, identité sexuelle de
Marceline rendaient impossible un traitement réaliste ou littéral de l'intrigue. Un roman si
fortement ancré dans Paris et dans son époque et qui, en même temps, tend à l'abstraction
d'une mécanique absurde ; ce paradoxe a excité l'imagination des cinéastes dès la
publication du livre en 1959.
Plusieurs adaptations de Zazie dans le métro ont été mises en chantier. C'est René Clément
qui devait réaliser le film. II associe aussitôt Raymond Queneau à l'entreprise, un Queneau
qui, contrairement à la plupart des auteurs, le surprend par sa souplesse, par son aptitude à
apporter des changements à son oeuvre. Il voit en effet dans ce projet de film l'occasion
d'une re-création de son roman, avec une Zazie sortant des pages du livre et qu'on
interviouve sur ses aventures...
Mais René Clément interrompt ce travail pour aller tourner en Italie. Les droits d'adaptation
vont changer de mains : Louis Malle les fait acheter par son producteur. Le réalisateur
d'Ascenseur pour l'échafaud et des Amants a découvert très tôt le roman, lorsque son ami
Roger Nimier lui en a communiqué le manuscrit. Il s'enthousiasme pour le défi lancé par
Zazie :
Je trouvais que le pari qui consistait à adapter Zazie à l'écran me donnerait l'occasion
d'explorer le langage cinématographique. C'était une oeuvre brillante, un inventaire de
toutes les techniques littéraires, avec aussi, bien sûr, de nombreux pastiches. C'était comme
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de jouer avec la littérature et je m'étais dit que ce serait intéressant d'essayer d'en faire
autant avec le langage cinématographique.
Raymond Queneau – qui suit cette affaire d'un oeil bienveillant et viendra en curieux sur le
tournage – ne participe pas cette fois-ci à l'adaptation. C'est à Jean-Paul Rappeneau que
Louis Malle demande de collaborer au scénario. Contrairement à ce qu'on entend dire
parfois, Alain Cavalier n'est pour rien dans ce travail (je le tiens de sa bouche). Un autre
cinéaste, en revanche, apporte une contribution originale à la réalisation : William Klein,
peintre et photographe, lui aussi grand amateur de Queneau. Auteur d'une adaptation – non
réalisée – de Pierrot mon ami, Klein vient de s'attaquer à une adaptation de Zazie lorsque
Louis Malle lui propose de coréaliser son propre film. Une direction bicéphale s'avérant
rapidement impossible, Klein se contentera du rôle de « conseiller artistique ». C'est à lui
qu'on doit l'habillage visuel de l'oeuvre : les pancartes au lettrage très « pop art », déplacées
de séquence en séquence, les enseignes au néon qui colorent les acteurs, l'emploi
d'optiques un peu déformantes... Comme toute la jeune équipe du film, il se passionne pour
cette expérience d'« anti-film » (formule utilisée par Louis Malle dans le script).
L'intention première était de réaliser un petit film pas cher en noir et blanc, tourné
rapidement dans les rues de Paris et largement improvisé. Au final, il s'agira d'une oeuvre en
couleur au budget plus que confortable, au scénario travaillé pendant huit mois avec
plusieurs découpages successifs. Le tournage aura duré seize semaines, dans Paris et en
studio (décors de Bernard Evein). Avec l'autorisation de Queneau, Louis Malle rajeunit
l'héroïne pour éviter, dit-il, le côté Lolita « un peu trouble » qu'il a perçu dans le roman.
Autour de la petite Catherine Demongeot (dix ans), une brochette de comédiens savoureux :
Philippe Noiret (tonton Gabriel), Vittorio Caprioli (Trouscaillon), Hubert Deschamps
(Turandot), Jacques Dufilho (Gridoux), Annie Fratellini (Mado), Yvonne Clech (la veuve
Mouaque), et, dans le rôle de Fédor, Nicolas Bataille, le metteur en scène historique de La
Cantatrice chauve.
Le jeu des équivalences et des références
L'entreprise ne peut fonctionner que si le réalisateur effectue sur son propre matériau un
travail correspondant à celui que Raymond Queneau a opéré sur le langage et la littérature.
C'est bien ce qui motive et excite notre cinéaste de vingt-sept ans. Il s'attaque donc aux
conventions du récit et de la technique cinématographiques, multiplie les procédés
comiques (de son invention ou empruntés à des genres très typés, comme le cartoon ou le
burlesque), adresse des clins d'oeil appuyés à l'histoire du cinéma.
Le viol des règles élémentaires du cinéma classique commence par la pratique des fauxraccords
(Godard vient de faire la même chose dans À bout de souffle). Il se poursuit par une
autre « erreur » volontaire : mettre le même arrière-plan dans le champ et le contre-champ
de deux interlocuteurs (séquence des moules aux Puces). Louis Malle s'ingénie à contracter
ou à dilater l'espace et le temps. Il demande par exemple à Noiret de jouer une scène au
ralenti : filmé à 8 images/seconde (au lieu de 24), son mouvement paraît normal à l'écran
mais ce sont les autres éléments de l'image qui défilent en accéléré.
Les poursuites et les gags rivalisent avec les délires du slapstick ou du dessin animé à la
Chuck Jones ou Tex Avery. Des cartons évoquent le cinéma muet. La musique du générique
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est inspirée par celle des westerns. En hommage à Fellini, on parodie la fontaine de Trévise
de La Dolce Vita et Annie Fratellini écarquille ses mirettes à la manière de Giuletta Masina
dans La Strada. Les clins d'oeil s'adressent aussi au monde de la chanson (Sacha Distel, en
personne, sort d'une colonne Morris qui porte son affiche), à l'univers des contes de fées (les
chaussures de Zazie se mettent toutes seules en place, comme par magie).
Lorsque Philippe Noiret s'écrie : « Qu'est-ce que tu veux, c'est la Nouvelle Vague ! », ce
private joke appelle ici une digression. Zazie dans le métro est réalisé au plus fort de la
révolution du jeune cinéma français. Louis Malle a même été le contemporain des tout
débuts de cette Nouvelle Vague : son premier long métrage personnel, Ascenseur pour
l'échafaud (1957), a précédé d'une courte tête le premier Chabrol, pionnier officiel du
mouvement (Agnès Varda, en franc-tireur absolu, n'avait pas attendu la vague pour aller
tourner La Pointe courte au bord de la mer, dès 1954). En fait, Louis Malle, s'il a contribué au
renouveau du cinéma français, n'a jamais fait vraiment partie de cette fameuse Nouvelle
Vague, constituée d'une part des rédacteurs des Cahiers du cinéma (Truffaut, Godard,
Rohmer, Rivette, Chabrol) et de leurs protégés (comme Jacques Rozier, auteur de l'excellent
Adieu Philippine) et, d'autre part, du groupe dit « de la Rive Gauche » (autour de Resnais,
Marker, Varda, Demy). Louis Malle, fils de riches industriels, avait les moyens de mener une
carrière indépendante et libre, sans s'appuyer sur un groupe de copains-complices. Une
carrière atypique, entre fiction et documentaire, classicisme et innovation, France et Etats-
Unis. Son sens de l'humain, sa curiosité et son honnêteté intellectuelle l'ont conduit sur
toutes sortes de chemins dont l'exploration constitue une oeuvre multiforme, inégale sans
doute, mais attachante par cette quête perpétuelle et tous ces risques pris.
Les audaces iconoclastes de Zazie dans le métro semblent aller dans le sens de l'époque,
mais tous ces brillants artifices qui nient le réel, cette comédie tellement bourrée
d'intentions et de raffinements stylistiques qu'elle en oublie souvent d'être drôle, ne cadrent
en fait ni avec l'économie ni avec l'esprit de la Nouvelle Vague (contrairement au projet
initial de Malle : un petit film bon marché tourné en noir et blanc dans les rues de Pans avec
beaucoup d'improvisation).
Le vrai problème, pour nous, est celui-ci : en ne considérant le roman que sous son aspect le
plus inventif, le plus virtuose, en ne cherchant finalement qu'à rivaliser avec cette virtuosité,
le cinéaste prend le risque de n'être pas fidèle à l'esprit de Queneau. N'est-ce pas ce que l'on
peut entendre dans cette déclaration du romancier à L'Express (7 octobre 1960) :
« En même temps que je reconnais Zazie dans le métro en tant que livre, je vois dans le film
une oeuvre originale dont l'auteur se nomme Louis Malle, une oeuvre à l'insolite et à la
poésie de laquelle je suis moi-même pris » ?
Zazie a-t-elle vieilli ?
C'est ce qu'elle affirme dans une réplique célèbre qui constitue le mot de la fin. Mais qu'en
est-il du film ? A-t-il lui-même vieilli ? Et d'abord comment était-il perçu par son auteur ?
Dans ses déclarations de l'époque, Malle présente son oeuvre comme « un faux film
comique », plutôt « une sorte de ballet burlesque [...] en insistant beaucoup sur une réalité
qui se dégrade ». En fait, sur l'écran, ce n'est pas la « réalité » qui se dégrade mais seulement
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le décor. Sans doute cette réalité devrait-elle avoir plus de densité au début du film pour
qu'on puisse en apprécier la dégradation. Ce qui apparaît surtout, c'est un monde de fauxsemblants,
d'apparences trompeuses et d'illusions. Une trentaine d'années plus tard,
revenant sur le film à l'occasion d'un livre d'entretiens, Louis Malle explique le rôle de
révélateur de Zazie :
L'univers qu'elle découvre est affreusement chaotique, il n'a aucun ordre, aucune
signification. [...] C'est un phénomène que j'observe tous les jours : le monde n'est jamais
exactement ce qu'il est censé être. Ce qui est capital dans Zazie, et que je continue non
seulement à découvrir mais à mettre de plus en plus dans mes films, c'est que les gens – et
surtout les adultes – font toujours le contraire de ce qu'ils disent. Les mensonges
fondamentaux de l'existence. [...] Dans un sens, ce film que j'ai tiré d'un livre et que je
considérais comme un exercice s'est révélé être incroyablement personnel. J'y ai trouvé ce
qui, dans l'avenir, allait devenir mes thèmes et mes préoccupations, essentielles. […] Des
films centrés autour d'un enfant ou d'un adolescent qui découvre l'hypocrisie et la
corruption du monde des adultes.
Ainsi, ce film très à part dans la filmographie de Louis Malle (qui reconnaît lui-même y être
« allé un peu fort » dans la provocation formelle) est-il d'une certaine façon une oeuvre
fondatrice, contenant en germe une thématique qu'il déclinera sur d'autres registres, du
Souffle au coeur à Lacombe Lucien, de La Petite à Au revoir les enfants.
Pour le reste, on ne peut que donner raison au réalisateur : « [...] le dernier tiers du film
n'est pas à la hauteur du reste ». La dynamique s'essouffle en effet, la confusion et l’ennui
s'installent. La Zazie de Malle, contrairement à l'originale, ne tient pas la distance. Mais son
auteur a bien raison d'être content d'avoir eu le courage de le faire : ce « bide
monumental » de 1960 est devenu un film culte, une évocation de référence sur Paris (le
plus souvent demandé, paraît-il, dans la collection du Forum des images).
Quelque part entre Alice et Lolita, Zazie est devenue un type littéraire — donc un nom
commun : les sympathiques effrontées sont « de vraies zazies ». De livre de poche en pièces
de théâtre, de DVD en prénom de chanteuse populaire, de sujets de thèse en langage
courant, le mythe Zazie continue de courir les rues.
Lieux de tournage :
Dans le Paris de 1960, Louis Malle nous montre l'église Saint-Vincent-de-Paul, désignée
comme la Sainte-Chapelle, la place Franz-Liszt (10e arrondissement), la gare de l'Est, un
bistrot, le marché aux puces de Saint-Ouen, le pont de Bir-Hakeim, la galerie Vivienne et le
passage du Grand-Cerf (2e arrondissement), l'édicule Guimard de la station de métro Bastille
(détruit en 1962), les quais de la Seine, un cabaret de Pigalle (tourné en studio) et bien sûr la
tour Eiffel.
Différences entre le roman et le film :
• Dans le roman la femme de Gabriel s'appelle Marceline tandis que dans l'adaptation
de Louis Malle, on l'appelle Albertine, hommage à l'héroïne de Marcel Proust.
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• Dans le roman Zazie dans le métro, Raymond Queneau joue sur les mots et critique la
tradition littéraire, alors que le film est burlesque et parodie la tradition
cinématographique.
• Dans le film, le personnage de Zazie est plus jeune de 4 ans que dans l'oeuvre
originale. En effet, chez Queneau, la virginité de Zazie suscite l'inquiétude de sa
mère. En la rajeunissant de la sorte, Louis Malle tente d'éviter le côté Lolita qui aurait
accentué l'aspect pervers (notamment lors de la course poursuite avec Pédro
Surplus).
• Dans le roman, la déclaration d'amour de Meussieu Pétro à Marceline se déroule
chez elle et non au cabaret du Mont-de-piété.

Interview d’Olivier Gérard, assistant-réalisateur sur ZAZIE DANS LE METRO.
Philippe Lombard : Sur ZAZIE DANS LE METRO, vous retrouvez Louis Malle, votre ami de
l'Idhec...
Olivier Gérard : Depuis la sortie de l'école, aucun d'entre nous n'avait réussi à percer et à faire un
film. Alors que lui, oui. Il faut dire qu'il avait des arrières financiers importants car il faisait partie d'une famille de grands sucriers du Nord... Il avait déjà tourné LE MONDE DU SILENCE avec Cousteau,dont il a transformé le destin, puis ASCENSEUR POUR L'ECHAFAUD, qui était vraiment «Nouvelle Vague», avec Jeanne Moreau. Mes amis m'ont dit qu'il n'avait pas osé m'engager sur ce film, parce qu'il pensait que j'étais « trop bien » ! (rires) Il a fait ensuite LES AMANTS, de nouveau avec Jeanne Moreau. Avec le succès qu'il a eu, il pouvait faire ce qu'il voulait. Et en bon scorpion, il a choisi de faire le contraire de ce qu'on attendait de lui, c'est à dire adapter «Zazie dans le métro» de Raymond Queneau.
Le roman de Raymond Queneau se voulait une critique du roman classique et Louis Malle
cherchait à en faire l'équivalent cinématographique. Comment vous a-t-il expliqué son projet ?
En réalité, on formait un « braintrust » avec Louis, Philippe Collin, Jean-Paul Rappeneau et moi. Nous participions vraiment tous au film, comme si on le faisait ensemble. On avait parfois l'impression d'être encore à l'Idhec. Je me rappelle d'une scène de boite de nuit où la plaque tournante devient folle,
Louis était un peu hésitant. Alors Philippe Collin disait «Et si on faisait comme ci», et moi «Et si on faisait comme ç a»... Le directeur de production Irénée Leriche s'est énervé : « Écoutez, ça suffit maintenant, c'est Louis le metteur en scène et puis c'est tout ! » (rires) On était comme des
gosses.
Les effets sont nombreux : accélérés, trucages, couleurs criardes... Tout cela était-il
improvisé ou au contraire très préparé ?
Tout était prévu, préparé, testé. Il avait été décidé que tout ce qui était écrit devait être fait, du saut de  Noiret de la Tour Eiffel à la bataille de choucroute. Pour la poursuite entre Trouscaillon et Zazie dans le passage des Panoramas, on avait fait des essais avant le tournage parce qu'on voulait certains effets. Philippe Collin était très influencé par le dessin animé américain, du genre Bugs Bunny, et voulait que cela ait le même esprit, la même mécanique. On faisait marcher Trouscaillon et Zazie à petit pas sur le dessin des carrelages et on tournait en accéléré. À la projection, cela donnait une impression de cartoon. Quand la lumière s'est rallumée, on riait comme des fous ! Je n'avais jamais vu Louis rire comme ça.
Là non plus, ce n'était pas un tournage hiérarchisé ?
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Non, ce n'était pas du tout un tournage classique. Collin était plutôt le bras droit de Louis Malle, son conseiller et son confident, et moi, je m'occupais plutôt de la gestion du tournage, avec les seconds rôles et les figurants. J'avais comme assistant Volker Schlöndorff. Le travail était considérable. On a décidé qu'il y aurait un groupe de figurants qu'on appellerait « les permanents ». Ils étaient douze, avec des Suédoises, des grandes bringues blondes. Ils étaient de toutes les scènes, comme les témoins, comme le « chur » dans une tragédie. Louis, de ce point de vue, avait stylisé son découpage de façon très intéressante. C'est un film qu'on ne pourrait plus tourner aujourd'hui.
Pourquoi ?
Parce qu'on ne pourrait plus bénéficier des décors et des lieux qu'on avait. Vous imaginez qu'avec la voiture «déshabillée» de la Veuve Mouaque, qui n'avait plus de capot, de carrosserie, on a fait le tour de l'Arc de Triomphe à tombeau ouvert au milieu de la circulation ? On a ameuté le Préfet de police qui a vu rouge : « Mais qu'est-ce que c'est que ça ? » Il a fallu que Napoléon Murat, le producteur, l'appelle pour calmer les choses. Pour la poursuite avec le bus anglais, on passait à travers Paris, on faisait n'importe quoi ! Sur les quais, on me hurlait, dans le talkie : « Vire à droite, disparais ! » (rires)
Alors, le bus tournait sur les chapeaux de roues dans une ruelle pour se planquer.
Comment Catherine Demongeot a-t-elle été choisie pour le rôle de Zazie ?
On cherchait une petite fille de 8-9 ans. Je suis allé voir la directrice de l'École du spectacle, rue du Cardinal-Lemoine, qui m'a dit : «Oh, je n'ai pas vraiment ça... Enfin, j'ai bien une petite fille de 10 ans et demi, je peux vous la présenter.» Catherine est arrivée et elle a commencé à débiter la tirade du nez de Cyrano. Je l'ai trouvée immédiatement époustouflante. Deux petites filles sont restées en lice
et on leur a fait jouer la scène où Zazie dit vouloir être institutrice «pour faire chier les mômes ! Je serai vache comme tout avec eux. Je leur ferai lécher le parquet, etc.» Et elle a dit ça avec une telle conviction qu'on a dit « C'est elle ! » (rires) Elle s'est avérée à la hauteur du rôle, même si le premier jour de tournage, elle a commencé à gémir, à pleurer... Je l'ai prise dans un coin du studio et je lui ai dit fermement : « Écoute, on t'a choisie pour tourner un rôle dans un film, tu vas être à la hauteur !
Plus de cris, plus de scènes ! » Pouf !, c'était fini ! Après, elle était parfaite ! Le seul ennui avec elle, c'est qu'elle grandissait... On a tourné quatorze semaines et à la fin, elle était réellement différente de ce qu'elle était au début ! On avait peur que cela se voit à l'écran mais finalement, ça passait.Raymond Queneau est-il venu assister au tournage ?
Il est venu nous voir quand on faisait ces tests dans le passage couvert, et je me souviens d'une
scène extraordinaire. À la fin d'une prise de vue, on s'était retrouvé dans un café et tout d'un coup, je me retourne et je vois Raymond Queneau et Catherine Demongeot qui discutent et rigolent ensemble comme de vieux copains ! Il avait la soixantaine, et elle dix, et ils déconnaient comme s'ils se connaissaient depuis toujours ! C'était très touchant. Sinon, il n'est jamais revenu.
Est-ce qu'à sa sortie, ZAZIE DANS LE METRO a été estampillée «Nouvelle Vague» ? Est-ce que
d'ailleurs tous les cinéastes concernés se considéraient ainsi ?
Louis ne se définissait pas, mais enfin, il ne détestait pas qu'on l'inclue dans la Nouvelle Vague. Demy avait fait LOLA et Louis avait pris son décorateur, Bernard Evein. A BOUT DE SOUFFLE est sorti pendant qu'on tournait. Louis m'avait dit « Ah oui, j'en ai vu un bout !» Il ne voyait jamais les films en entier ! (rires) Cela me fait penser à une scène étonnante où le cadreur Jean Charvein et Louis Malle
cherchaient à obtenir un dédoublement de personnalité de Gabriel (Philippe Noiret) dans sa loge. Ils cherchaient comment faire, éventuellement en repassant la pellicule... et à un moment, la petite porte de la loge s'entrouvre et on voit apparaître un visage avec des yeux très pales et très intrigués...
C'était Robert Bresson. Il se demandait ce qu'on faisait. (rires) Discrètement, il a refermé la porte.
Trois minutes après, la porte se rouvre, on voit une tête avec de grosses lunettes, c'était Chabrol !
(rires) Il a regardé de la même façon, ne comprenant pas non plus ce qu'on faisait, et a refermé la
porte ! Et pendant le tournage de la scène de la brasserie, pour laquelle on avait fabriqué des
« lances-choucroute », Alain Resnais est venu prendre des centaines de photos. Il est resté plusieurs jours, ça le mettait en joie.
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Vous avez été beaucoup plus qu'un assistant...
Oh oui, j'ai participé aux décors, comme je le ferai souvent par la suite, et aux costumes aussi. C'est
moi qui ai composé le costume de Noiret avec son Prince-de-Galles très large. Pour la blouse
bouffante en angora d'Annie Fratellini, je l'ai passée à la bombe rose, pour avoir un rose bonbon. Et j'ai fait teindre en orange le T-shirt de Zazie. Tout le film était un défi. On avait l'impression de faire quelque chose en dehors du cinéma habituel. On retrouvait notre rêve de l'Idhec, c'est-à-dire faire ce dont on avait envie.



17 février 2019
« l’armée des ombres » de Jean-Pierre Melville, d’après Kessel. 
Et pour en savoir plus sur Joseph  Kessel,Anne vous recommande cette émission de France 
Inter



Le 20 janvier 2019 Plein Soleil

Un thriller de René Clément de 1960 avec Alain Delon et Marie Laforet.
Adaptation du roman Monsieur Ripley de Patricia Highsmith ( disponible à la bibliothèque )
Musique de Nino Rota film en français et en couleurs  durée 115 mn.
Et pour mieux connaitre Patricia Highsmith https://www.ina.fr/video/CPF86642006
Le roman, Mr Ripley publié en 1955, est l'un de ses plus grands succès. Il obtient le grand Prix de littérature policière

Patricia Highsmith ne se considère pas comme romancière de policier  mais elle aime le suspense, le jeu de séduction et de cruauté les situations perverses le tout servi par un style d’une sobriété  redoutable .Elle dit’’ En fait, un être ordinaire devient pour moi fascinant dès qu'il prend conscience de ses instincts. Voilà le moteur de tous mes romans.»

A propos d'Alain Delon  Patricia Highsmith trouvait  qu'il incarnait  idéalement son personnage .Le scénario de  René Clément diffère du roman mais l'auteur trouve normal que le réalisateur s'approprie l'histoire et la termine différemment .
 

le 21 octobre2018 Lettre d'une inconnue de Max Ophüls

Film mélodramatique de toute beauté d'après une libre adaptation de la nouvelle de Stefan Zwzeig.
et pour en savoir plus :

et une quinzaine de livres de Zweig sont disponibles à la bibliothèque
 n’hésitez pas à vous replonger l’œuvre de ce grand  auteur .


CINEPAGES - DIMANCHE: saison 3
  un film adapté d'une œuvre littéraire un  dimanche soir d'hiver à l'heure du thé 
Prochains films

Dimanche 21 octobre 2018       dimanche 13 janvier2019      et dimanche 17 février 2019



CINEPAGES - DIMANCHE  saison 2 : 
18 févier 2018 Frankenstein et la fiancée de F.
Frankenstein, film muet (avec musique), des années 30 mais qui ont très bien traversé le temps
 un film américain  réalisé par James Whale , sorti en 1931
 noir et blanc, 75 mn    .
suivi  après entracte de la Fiancée de Frankenstein  du même réalisateur 72 mn
Venez frissonner , vous épouvanter, sourire dimanche 18 février à 17 h entre chien et loup (garou ) quand tombe la nuit .....
Commentaire d'un spectateur lecteur :
Frankenstein décrit dans le livre comme ''un bon sauvage'' à la Rousseau devient une créature stupide et grossière dans les images du cinéma américain ...


le 14 janvier 2018 Syngué Sabour d'Atiq  Rahimi 

Film et roman très forts et émouvants
Carrère co- réalisateur parlait de trahison lors des adaptations. Le film est cependant très fidèle au livre bien que les rythmes soient différents . Le style d'écriture est rapide comme autant de coups de mitraillettes, les confessions du film sont lentes comme le longue veille du blessé .
La fin a fait débat chez les spectateurs : film et livres sont sujets à interprétation :
est elle assassinée , l'a t elle poignardé aussi ? le regard fixe du plan final est il porteur de vie ou de mort ? L'amant vengera t il le mari ou sera t il un avenir pour cette femme ? 
....

le 15 octobre 2017  Madame de ... de  Max Ophuls 
d'après un livre de Louise de Vilmorin 
    vidéo reportage de la radio télévision suisse sur l'auteure 
   http://www.notrehistoire.ch/medias/67818


Max Ophuls  
1902 Sarrebruck-1957 Hambourg mais enterré au Père Lachaise



Après des études classiques, il entame en 1920 une carrière prolifique dans le théâtre, et, de 1923 à 1932, il est l'un des metteurs en scène les plus prisés en Allemagne et en Autriche. Il se tourne ensuite vers la production de films.



Ophuls aborde le cinéma à l'aube du parlant, comme dialoguiste-traducteur sur un film d'Anatole Litvak, Nie wieder Liebe (1930). En 1931, il répond à une commande de la UFA et réalise un moyen-métrage pour enfants, Dann schon lieber Lebertran. Vient ensuite Die Verkaufte Braut - La Fiancée vendue, d'après un opéra de Smetana.

Mais c'est surtout Liebelei, tourné en 1933, en deux versions allemande et française, qui le fait connaître en France. Le film marque sa première rencontre à l'écran avec l'univers d'Arthur Schnitzler. On y décèle déjà son goût pour le romantisme et la nostalgie, ainsi qu'un sens aigu de l'arabesque poétique. L'avènement du nazisme le force à fuir l'Allemagne en 1933, et il choisit en 1935 de prendre la nationalité française.

Ophuls tourne alors à Rome La Signora di tutti, ou le drame d'une vedette surmenée, puis en Hollande La Comédie de l'argent en 1936. Pendant cette période d'avant-guerre, il signe quelques oeuvres empreintes d'humour (La Tendre ennemie, 1935) ou de mélancolie : Yoshiwara (1937), film aux parfums exotiques qui relate l'histoire d'une jeune geisha, puis Le Roman de Werther (1938) d'après Goethe, et enfin Sans lendemain (1939). Edwige Feuillère y tient le rôle d'une jeune mère parisienne contrainte de jouer les entraîneuses et finalement conduite au suicide. Ophuls dirige à nouveau la comédienne dans De Mayerling à Sarajevo(1940), fresque historique qui retrace les vingt dernières années de l'Empire autrichien. Mais le tournage est interrompu par la guerre.

De nouveau contraint à l'exil après l'armistice, Max Ophuls quitte la France pour les Etats-Unis. Il entame alors une parenthèse hollywoodienne d'abord marquée par une longue période d'inactivité jusqu'en 1946. Cette année-là, il dirige Douglas Fairbanks Jr. dans L'Exilé.

En 1948, il adapte Stefan Zweig avec Lettre d'une inconnue, sa "Libelei américaine" : un film aux accents nostalgiques et tendres qui reflète une fois encore l'essence de la pensée ophulsienne. En 1949, il réalise Caught, film noir interprété par James Mason, bien plus typiquement hollywoodien de par sa distribution et sa touche mélodramatique.

De retour en France, il donne la pleine mesure de son talent avec les quatre films majeurs de son œuvre : La Ronde (1950), l'un des plus grands succès commerciaux d'après-guerre, Le Plaisir (1951), d'après Maupassant, Madame de... (1953) d'après Louise de Vilmorin et enfin Lola Montès, en 1955. Tout l'art et le génie d'Ophuls s'y trouvent mêlés, dans une parfaite synthèse des toutes ses expériences précédentes.

À nouveau inspirées par la littérature, ces œuvres pleines d'exubérance et de charme poétique confirment un cinéaste fasciné par la femme, qu'elle soit fragile, amoureuse, légère ou meurtrie.



En 1956, il s'attelle avec Henri Jeanson à l'écriture d'un scénario retraçant la vie du peintre Modigliani, mais il ne peut mener à bien le projet, qui sera repris par Jacques Becker sous le titre de Montparnasse 19.

21 films

Max Ophuls mène de front une carrière théâtrale de premier plan.

MARCEL ACHARD 1899-1974 (académicien)

Essentiellement connu pour son théâtre de boulevard (« Voulez-vous jouer avec môa », « Jean de la Lune ») Marcel Achard entre en 1931 à la Paramount après le succès au cinéma d’une adaptation de « Jean de la Lune » par Léo Milter.

De retour en France sous l’occupation, il collabore avec Marc Allégret sur plusieurs films.

Mais sa collaboration la plus marquante reste ses dialogues pour Madame de (1953).

ANNETTE WADEMANT 1928-2017
Scénariste belge, a collaboré au scénario de « Lola Montes » pour Ophuls et sur des films de Jacques Becker dont elle était la compagne avant d’être celle de Michel Boisron, réalisateur, avec lequel elle a énormément travaillé, jusqu’en 1974 avec « Dis-moi que tu m’aimes ». C’était une excellente scénariste et dialoguiste dont on a peu entendu parler dans les années 50, elle n’est même pas créditée au générique de « Casque d’or » !

MADAME DE    : LE FILM

En 1900, à Paris. Louise, épouse particulièrement coquette et frivole d'un général vend en secret des boucles d'oreilles.
Des boucles d'oreilles en forme de cœur passent de main en main. Et un autre cœur, celui de Madame de..., se brise devant un sentiment inconnu qui a envahi sa vie futile et vaine. D'une certaine façon, la mise en scène sublime de Max Ophuls est une métaphore du cinéma, ce mensonge qui révèle la vérité, pour paraphraser Cocteau. Des mouvements de caméra d'une élégance et d'une précision extraordinaires semblent constamment entourer les personnages dans leur sinueux parcours vers la lucidité et, donc, vers la mort. A Danielle Darrieux, Ophuls avait demandé d'incarner le vide. De façon que le spectateur soit profondément ému par son apparente inexistence. Elle réussit ce pari au-delà de toute espérance.

L'unité de la première partie (la frivolité) est donnée par l'omniprésence des boucles d'oreilles. Les bijoux symbolisent les échanges superficiels de la société.
Cette histoire d'un bijou, d'un mensonge et d'une passion est sans doute l'œuvre la plus achevée de Ophuls pour l'équilibre qu'on y trouve entre le classicisme secret du cinéaste (goût pour les intrigues construites et bouclées, retenue et pudeur, sens de la litote) et baroquisme évident. C'est aussi le film d'Ophuls où les partis pris de mise en scène épousent le plus naturellement les idées et la vision du monde de l'auteur. Ophuls haïssait le plan fixe comme contraire à la vie et à la réalité et ce film n'en comporte pratiquement pas. Le mouvement qui anime chacune des séquences et l'ensemble de l'œuvre contient en lui même la réponse que pose constamment l'univers de Ophuls: qu'est ce que la frivolité ? Qu'est ce que la gravité ? Ce mouvement les transforme l'une en l'autre comme il transforme les personnages à chaque instant de leur vie. C'est dans ce mouvement incessant mais qui jamais ne revient en arrière des corps, des impressions, des sentiments, des passions qu'Ophuls a vu la vérité, à la fois superficielle et tragique, de la condition humaine. Intrigue parfaite dans ses circonvolutions et sa netteté, dialogues ironiques et simples, d'une extrême qualité littéraire (adaptation du roman de Louise de Vilmorin), acteurs sensibles et raffinés, photo superbement contrastée, décors au foisonnement débouchant sur l'abstrait: jamais autant qu'ici Ophuls n'a dominé sa matière et livré un récit complètement détaché de lui et qui est en même temps une confession intime.
Jacques Lourcel /Histoire du cinéma



CINEPAGES- DIMANCHE SAISON 2

Cinéressources 71 et Plaisir de Lire redéploient l'écran du cinéma littéraire que vous avez été si nombreux à apprécier . 3 films pour cette seconde édition en octobre ,  janvier et février.
 Du grand cinéma, des livres du patrimoine , de belles soirées d'hiver en perspective ...
a bientôt pour le programme .....


en novembre 2016
PANIQUE  / Jean  Duvivier/ Michel Simon / Viviane Romance
L'adaptation du roman  La fiancée de Monsieur Hire de Simenon est fidèle à l'esprit du livre: la même panique dans la population qui a peur d'un autre meurtre, et la panique du présumé coupable qui fuit la foule vengeresse .   Mais la fête foraine est une idée de Jean Duvivier; il fait aussi évoluer les personnages: Mr Hire n'exerce pas le même travail, sa famille juive n'est pas mise en images, et s'il meurt d'une chute dans le film, c'est d'une crise cardiaque qu'il succombe lorsque la grande échelle des pompiers le recueille.  La victime gagne aussi en respectabilité : elle était prostituée chez Simenon .
Et d'une manière générale le roman est plus noir ( et plus pluvieux et glacial que le film )
en janvier 2017

Du silence et des ombres/Robert Mulligan/Gregory Peck 
Scout, fascinée d’imaginer les pires horreurs sur son voisin Boo Radley et curieuse de suivre le procès de Tom Robinson, jeune Noir accusé à tort de viol et défendu par son père, va finir par comprendre qu’ils sont tous les deux, des « oiseaux moqueurs ». Victimes innocentes des adultes, du racisme et de la société. S’il est un péché de tuer un oiseau moqueur, il en est de même de malmener les innocents que sont Tom Robinson ou Boo Radley.
Derrière les apparences d’une peinture mélancolique de l’enfance, le film (et le roman) est aussi un pamphlet contre l’intolérance. Sans doute moins caricatural que La Porte s’ouvre (Joseph L.Mankiewicz 1950), moins didactique que Graine de violence (Richard Brooks 1955) et La Chaîne (Stanley Kramer 1958) et moins philosophique que Le Monde, la chair et le diable (Ranald MacDougall 1959), Du silence et des ombres aborde la question du racisme aux Etats-Unis de façon réaliste. « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » paraît au début des années 60, en plein mouvement pour les Civil Rights (au moment des rassemblements pacifiques autour de Martin Luther King et des boycotts des bus par les Noirs). Le roman se déroule trente ans auparavant et la ségrégation raciale y est très présente.
À l’école de Scout, aucun enfant noir n’est scolarisé. Les Noirs habitent des quartiers en dehors de Maycomb, ils ont leur église et leur galerie au tribunal pour assister au procès. Ils ne se mélangent pas aux Blancs, pourtant Scout et Jem vont s’introduire dans ces lieux réservés (le film ne reprend pas la scène où les enfants accompagnent Calpurnia pour la messe à l’église noire). Calpurnia, la gouvernante noire d’Atticus, fait partie intégrante de la famille. Elle est respectée par Atticus et fait autorité auprès des enfants. Dans le film, elle est sans doute le personnage féminin le plus important (Mrs Dubose, Miss Maudie Atkinson ou la tante de Dill sont moins présentes et le personnage de tante Alexandra, la sœur d’Atticus est complètement absente).
Pour mesurer l’importance du roman il faut savoir que « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » a été vendu à 30 millions d’exemplaires depuis sa première parution et qu’un million de livres continuent d’être vendus chaque année. Il a été traduit en quarante langues et n’a jamais été épuisé depuis sa sortie. Il est l’un des dix livres les plus fréquemment étudiés dans les classes américaines. Une étude de 1991 montre qu’après la Bible, c’est l’ouvrage le plus souvent cité comme ayant changé la vie de ses lecteurs 
ROBERT MULLIGAN 
Né en 1925 à New York (mort en 2008), RM poursuit des études générales, puis entre au séminaire avant de s’engager comme radio dans l’US Marine pendant la Seconde Guerre mondiale.
Une fois démobilisé, il travaille au NY Times puis s’inscrit à l’université en littérature et journalisme.
Après quoi, il travaille comme coursier aux studios de la Columbia Braodcasting Society (CBS). Et gravit tous les échelons jusqu’à devenir réalisateur.
Jusqu’aux années 60 il réalise des centaines de « dramatiques TV » tournées en noir et blanc.
Un jour un producteur Alan J. Pakula remarque le talent de Mulligan et lui propose en 1957 de réaliser son premier long métrage Prisonnier de la peur, avec Anthony Perkins. Succès mitigé.
En 1962, Du silence et des ombres est la deuxième collaboration de Pakula et Mulligan. Et c’est Gregory Peck qui rejoint les plateaux extérieurs d’Universal de mars à mai 1962. Mulligan retrouve son chef opérateur de L’Homme de Bornéo, Russell Harlan et d’autres techniciens complices depuis plusieurs films déjà comme le compositeur Elmer Bernstein et le chef décorateur Henry Bumstead. Magnifique générique conçu par Stephen Frankfurt (il signa aussi ceux de Rosemary’s Baby, Network ou Superman).
La critique est unanime, le film remporte un beau succès et se voit nommé dans plusieurs catégories aux Golden Globes et aux Oscars, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur.
Gregory Peck reçoit l’Oscar du meilleur acteur. Le film suivant, Une certaine rencontre (Love with the Proper Stranger 1963) réunit trois stars : Steve McQueen, Natalie Wood et New York.
Juste après le départ de son producteur fétiche, Robert Mulligan connaît pourtant son plus grand succès au début des années 70 : Un Été 42 (Summer of 42  -1971).

À l’âge de 46 ans Gregory Peck (1916-2003) est donc pressenti pour un autre rôle d’avocat dans Du silence et des ombres de Robert Mulligan. (Après Les nerfs à vifs de Jack Lee Thomson). L’acteur est flatté d’être sollicité par des jeunes auteurs et conquis par un scénario qui lui évoque sa propre enfance. « Je ne connaissais pas ces deux jeunes gens (Mulligan et Pakula) mais j’avais vu un film qui était bien fait sur un joueur de base-ball (Prisonnier de la peur).
Je les ai appelés à 8 heures du matin en leur disant : “Dites-moi quand je dois commencer j’adorerai jouer ce rôle.“ J’ai trouvé que ce roman était bien écrit, sans tenir compte qu’il avait reçu le prix Pulitzer. J’ai senti que je pouvais m’identifier à ce personnage, sans stress et sans effort que je pouvais entrer dans ses chaussures sans avoir à faire l’acteur. (…). J’ai senti que je connaissais bien ces deux enfants. Ma propre enfance fut comme la leur, c’était dans le sud de la Californie aussi dans une petite ville où l’on se baladait l’été pieds nus et où l’on jouait dans des cabanes en bois suspendues dans les arbres et où l’on déboulait au milieu de la rue, à l’intérieur d’un vieux pneu. »
Dans Positif, Gregory Peck évoque Du silence et des ombres : « C’est le titre le plus souvent cité aux Etats-Unis quand on parle de moi. On y apprend ce qu’étaient les préjugés raciaux dans le Sud profond, en Alabama, dans les années 20 et 30. On comprend que le lynchage était tragiquement courant et qu’un Noir n’était pratiquement jamais acquitté pour un viol, même s’il n’avait pas eu lieu. Mon personnage représente pour les spectateurs un exemple d’intégrité et d’honnêteté. Pour beaucoup, il apparaît comme une version idéalisée du citoyen américain, et pour les jeunes, comme un père qui sait parler à ses enfants, en adultes et les traiter avec respect … Robert Mulligan est un de mes metteurs en scène favoris. 

Politiquement incorrect : NEGRE  vient de l’adjectif latin niger qui signifie noir, sombre. Niger n’existe pas en tant que substantif en latin. L’idée de désigner un homme par sa couleur était impensable dans la mentalité gréco-romaine. En ce qui concerne la couleur de peau, le mot latin niger évoque le fait que le teint soit hâlé et non pas une « noirceur » congénitale qui serait le propre d’un groupe d’hommes. Le fameux « Nigra sum sed formosa » du Cantique des cantiques signifie : « J’ai la peau bronzée, mais je suis jolie ». Et certainement pas « Je suis une noire, mais je suis belle », comme le traduisent les ignorants et les racistes. 
L’emploi du mot nègre en tant que substantif – un nègre – n’apparaît guère avant la fin du 17e siècle. On disait plutôt homme nègre, qui était d’abord un homme et la qualification liée à sa couleur ne venait que subsidiairement.
En fait, la couleur de la peau des Africains ne semble pas avoir été la préoccupation majeure des Européens jusqu’à ce que les Portugais aient l’idée de coloniser certaines îles africaines et d’y planter de la canne à sucre.
Tout se passe comme si le racisme était apparu en même temps que l’esclavage des Africains par les Européens et comme une justification de celui-ci.
Si vous consultez un dictionnaire de français de la fin du XVIIIème siècle, au mot "nègre" vous pourrez lire : "Voir esclave". Il y a une équivalence complète entre les deux termes "nègre" et "esclave". "Nègre" a toujours été explicitement lié à l'état de servitude.
Le mot nègre a laissé une trace lorsqu’il est question de l’esclavage. Les historiens français parlent de traite négrière et non pas de trafic des Africains. L’expression a une évidente connotation raciste. Et ce n’est sans doute pas un hasard si elle est officiellement utilisée pour faire semblant de reconnaître un crime qui serait sans coupables ni réparations.
C’est la déshumanisation progressive de l’Africain au fur et à mesure que la traite s’intensifiait qui a banalisé le substantif nègre, lequel est devenu synonyme d’esclave. D’où l’expression « travailler comme un nègre ».
Le caractère très péjoratif, voire insultant, du mot nègre dans la langue française s’est maintenu jusqu’à la fin du XXe siècle.


AIMÉ CÉSAIRE, Discours sur la Négritude, 1987 Ce discours prononcé à l'Université internationale de Floride redéfinit la « Négritude ». Créé dans les années 1930, ce terme controversé visait à dénoncer le colonialisme et à revaloriser la culture africaine.

La Négritude, à mes yeux, n’est pas une philosophie.

La Négritude n’est pas une métaphysique.

La Négritude n’est pas une prétentieuse conception de l’univers.

C’est une manière de vivre l’histoire dans l’histoire- l’histoire d’une communauté dont l’expérience apparaît, à vrai dire, singulière avec ses déportations de populations, ses transferts d’hommes d’un continent à l’autre, les souvenirs de croyances lointaines, ses débris de cultures assassinées.

Comment ne pas croire que tout cela qui a sa cohérence constitue un patrimoine ? En faut-il davantage pour fonder une identité ?

Les chromosomes m’importent peu. Mais je crois aux archétypes1.

Je crois à la valeur de tout ce qui est enfoui dans la mémoire collective de nos peuples et même dans l’inconscient collectif.

Je ne crois pas que l’on arrive au monde le cerveau vide comme on y arrive les mains vides.

Je crois à la vertu plasmatrice1 des expériences séculaires accumulées et du vécu véhiculé par les cultures.

Singulièrement, et soit dit en passant, je n’ai jamais pu me faire à l’idée que des milliers d’hommes africains que la traite négrière2 transporta jadis aux Amériques ont pu n’avoir eu d’importance que celle que pouvait mesurer leur seule force animale- une force animale analogue et pas forcément supérieure à celle du cheval ou du bœuf- et qu’ils n’ont pas fécondé d'un certain nombre de valeurs essentielles, les civilisations naissantes dont ces sociétés nouvelles étaient en puissance les porteuses.

C’est dire que la Négritude au premier degré peut se définir d’abord comme prise de conscience de la différence, comme mémoire, comme fidélité et comme solidarité.

Mais la Négritude n’est pas seulement passive.

Elle n’est pas de l’ordre du pâtir et du subir.

Ce n’est ni un pathétisme ni un dolorisme3.

La Négritude résulte d’une attitude active et offensive de l’esprit.

Elle est sursaut, et sursaut de dignité.

Elle est refus, je veux dire refus de l’oppression.

Elle est combat, c’est-à-dire combat contre l’inégalité.

Elle est aussi révolte. Mais alors, me direz-vous révolte contre quoi ? Je n’oublie pas que je suis ici dans un congrès culturel, que c’est ici à Miami que je choisis de le dire. Je crois que l’on peut dire, d’une manière générale, qu’historiquement, la Négritude a été une forme de révolte d’abord contre le système mondial de la culture tel qu’il s’était constitué pendant les derniers siècles et qui se caractérise par un certain nombre de préjugés, de pré-supposés qui aboutissent à une très stricte hiérarchie. Autrement dit, la Négritude a été une révolte contre ce que j’appellerai le réductionnisme européen.

Je veux parler de ce système de pensée ou plutôt de l’instinctive tendance d’une civilisation éminente et prestigieuse à abuser de son prestige même pour faire le vide autour d’elle en ramenant abusivement la notion d’universel, chère à Léopold Sédar Senghor4, à ses propres dimensions, autrement dit, à penser l’universel à partir de ses seuls postulats5 et à travers ses catégories propres.

On voit et on n’a que trop vu les conséquences que cela entraîne : couper l’homme de lui-même, couper l’homme de ses racines, couper l’homme de l’univers, couper l’homme de l’humain, et l’isoler en définitive, dans un orgueil suicidaire sinon dans une forme rationnelle et scientifique de la barbarie.

1. Symboles primitifs présents dans l'imaginaire et l'inconscient collectif des peuples.

1. Qui façonne, modèle.

2. Commerce et déportation de populations africaines réduites en esclavage, surtout au XVIIIème siècle.
3. Goût excessif pour le pathétique et complaisance pour la douleur.
4. Président de la république du Sénégal de 1960 à 1980, poète et grammairien, membre de l'académie française.

5. Principe de base d'une pensée.
Commentaires recueillis après la séance : le film est très fidèle au livre même si ce dernier semble plus fort; le personnage de Scout encore plus pétillant et Atticus plus attentif  à transmette à ses enfants le sens de la responsabilité ,de l'honnêteté et de l'humanité


et  LE 26 FEVRIER 2017  à 16 h 
 La fille de Ryan / David LEAN / Robert Mitchum
librement adapté de Madame Bovary  de Flaubert 


Mme Bovary est un roman réaliste au sens aigu du détail, aux analyses froides et documentées mais cependant teinté d’une ardeur tragique et bouleversante.

L’héroïne affronte désillusions,  médiocrité, adultère et déchéance (avant de se suicider).

Paru dans la revue de Paris, La description des mœurs provinciales fait scandale et Flaubert répond devant le juge d’instruction d’outrage aux bonnes mœurs, à la morale publique et religieuse.

Mais  Il est acquitté en 1857 et son livre devient un succès de librairie . Baudelaire aura moins de chance avec ses fleurs du mal qui seront censurées.


Si le réalisme est le fond, la forme est l’esthétisme avec près de 5 ans de recherche de style, de la phrase et des sonorités des mots.
Le mot Bovarysme apparait 10 ans après le roman désignant une affection des sentiments touchant surtout les femmes de la bourgeoisie provinciale, lorsque insatisfaites et déçues de leur quotidien, elles s’échappent nourries de lectures mièvres par le rêve et l’imaginaire.


Daniel Pennac revendique lui cette «maladie textuellement transmissible » comme un droit du lecteur.



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